C'est le 11 septembre 1881, au n° 28 de la rue Sainte-Claire, que le Frère Blatin allait procéder au réveil de la Loge. La tourmente est passée, les lois scolaires sont votées, la République laïque est née, les gendarmes de Mac-Mahon ne sont plus là. Aussi les débats en Loge prennent un autre ton. Après bien des vicissitudes au sein de l'Atelier, ou devant des attaques calomnieuses du cléricalisme, les Frères répugnent quelquefois à se mêler activement aux luttes politiques ou religieuses.
En 1883, le Frère Laussedat, rapporteur de la question sur la séparation de l’Église et de l’État, après avoir rappelé les discussions qui ont opposé les Frères, conclut à l'inopportunité de procéder momentanément à cette séparation, l'état d'esprit de l'époque n'y étant pas encore préparé. Mais à la Tenue suivante, l'Atelier revient sur sa décision avec la réserve suivante : «le budget des cultes sera réparti entre les communes qui en feront l'usage qui leur conviendra». On se prononce ensuite en faveur du service militaire des ecclésiastiques. Et, à l'unanimité moins une voix, pour la suppression des congrégations.
Entre temps, le Frère Blatin est élu Vénérable et on le félicite pour sa hauteur de pensée et son talent qui lui ont valu d'accéder au poste d'Orateur du Convent.
En 1884, l'Atelier demande au Convent la création d'une mutuelle maçonnique.
En 1886, le Frère Blatin, élu député, fait l'objet d'une ovation pour son magnifique discours sur la crémation qui avait fait l'objet d'une étude très poussée dans la Loge.
En 1887, la Loge répond négativement à la question : «Faut-il encourager les assurances-vie», pour la raison suivante : «En assurant une petite fortune à leurs descendants, les parents tendent à détruire en eux l'amour du travail».
Pendant toute l'année 1888-89 qui marque la fin du boulangisme, les réunions sont irrégulières et les démissions augmentent. La dernière Tenue réunit onze Frères, en présence du Frère Vachier, membre du Conseil de l'Ordre.
Le 26 juillet 1889, la Loge vote sa mise en sommeil par neuf voix contre deux abstentions, sur les onze Frères encore présents. Puis le danger boulangiste étant écarté, elle se réveille solennellement le 30 juillet 1890.
Son premier souci est la création d'une société immobilière chargée d'acheter le 28 de la rue Sainte-Claire qui appartenait à la famille Blatin. Le Frère Blatin, exaspéré par les calomnies du parti clérical, invite l'Atelier à fonder une société de défense laïque à caractère profane dans le local de la Loge et présidée par des Maçons. Ce qui amène le Frère Seignobos, qui dans le fond est d'accord, à réclamer un écrit exposant d'une façon précise le but et le pourquoi de l'occupation des locaux maçonniques, redoutant que la mesure envisagée ne nuise à la Franc-maçonnerie, ce qui est accepté.
Le 7 mai 1892, la Loge décide de former un comité de propagande anti-cléricale. La lutte est chaude en 1893. Le Frère Chambige, député, conclut en ces termes un remarquable discours sur l'influence du clergé : «Aujourd'hui, le clergé a pris pied dans la citadelle républicaine et sa voix est très écoutée dans les sphères gouvernementales. L'esprit nouveau fait son chemin ; il n'est que temps d'aviser...»
Toute la Maçonnerie est sur ses gardes dans cette lutte pour la pensée libre et librement choisie, en faveur de la tolérance, pour le triomphe philosophique et social, pour la solidarité.
Le 25 décembre1894, le Frère Blatin est élu Président du Conseil de l'Ordre. Mais en 1895, le Frère Colette, qui avait dénoncé le péril clérical grandissant, en profite pour regretter que le GODF soit dans l'impossibilité de lui venir en aide pour l'organisation d'une contre-manifestation anti-cléricale à l'occasion d'une commémoration des croisades à laquelle le Frère Pérol participe dans le rôle de Pierre L’Hermite. Cette protestation est de bonne guerre, mais il est toujours dangereux de déplaire à la foule pour qui cette cavalcade est une simple distraction.
Le GODF, pour une fois, ne suivra pas le Frère Colette.
Mais peu après, cette manifestation reçoit sa réplique : soixante-cinq Loges sont présentées par le Frère Blatin au Président Félix Faure lors du Congrès des Loges du Centre qui se tient à Clermont-Ferrand. Dans son discours, s'adressant au Président, nous avons relevé ce passage : «Le Grand Orient de France, non pas pour vous qui le savez fort bien, mais pour ceux qui l'ignorent, ou feignent de l'ignorer, m'a donné mission de proclamer qu'il ne prêche jamais de croisades qu'en faveur de la tolérance et de la Pensée libre, ceci pour le triomphe philosophique et social du grand idéal moral et solidariste qu'il a été le premier à répandre dans le monde».
C'est une réponse digne des Maçons et en même temps une ligne toute tracée, mais comme toujours l'esprit de combativité l'emporte et c'est ainsi que le Frère Gaston Bourgeois, invité le 29 janvier 1898 à la fête solsticiale, déclare : «La liberté n'est encore qu'un vain mot ; les exécutions que fait le ministre Méline le prouvent tous les jours. L’égalité est encore un vain mot : le système social actuel et en particulier le système fiscal, favorise les forts au détriment des faibles, les riches au détriment des pauvres. La fraternité, hélas! est un mot plus vain encore que les autres; les haines s'accumulent et l'on semble vouloir préparer la guerre des classes».
Or, il n'est pas vrai, ajoute-t-il, qu'il n'y ait aucun remède à cet état de choses, ceux qui le prétendent sont ceux qui ne veulent rien faire.
C'est ainsi qu'un Frère , professeur à la Faculté, est déplacé pour ses idées trop avancées. Enfin le Frère Dionnet, futur Vénérable, fait adopter par l'Atelier la proposition suivante : «Tout F.‧. qui enverra ses enfants dans une école « libre», sera considéré comme démissionnaire».
A cette époque les esprits sont surchauffés à cause des outrances du clergé qui riposte et rend coup pour coup.