La construction du canal de Berry a impulsé un développement qui fera de Montluçon la ville la plus importante du département. Le premier essai de création d’une loge montluçonnaise du Grand Orient de France eut lieu en 1831, au lendemain des Trois Glorieuses, tentative avortée de restauration de la République, mais mettant un terme aux persécutions antimaçonniques du règne de CharlesX. Le nouveau roi, Louis Philippe, était le fils du duc d’Orléans, ancien Grand Maître du Grand Orient de France. Les Francs-maçons espéraient le retour aux valeurs humanistes et libérales de la Première République et de l’Empire, et c’est là probablement l’explication du choix du nom de la nouvelle Loge à Montluçon.
Celle-ci fut constituée le 30 octobre 1831 sous le titre distinctif « Le Phénix », allusion à l’oiseau mythique doué de longévité, et capable de renaître après s’être consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Car c’était sans doute une aspiration de retour à l’idéal républicain qui unissait ses membres. Ernest Montusès déclare dans son « Histoire de Montluçon » que la Loge fonctionna quatre ans et fut un foyer d’études libérales. La loge ne disposant pas de locaux spécifiques, il est probable qu’elle se réunissait dans l’arrière salle du café Testelin, place du château. Cette hypothèse est aussi appuyée par la fonction de trésorier de Pierre François Joseph Testelin.
Le tableau du 24 octobre 1833, comporte le noms de 21 Frères, tous maîtres, ce qui signifie que la loge n'aurait fait qu’une seule initiation, en 1831 ou 1832, celle de Jean Gabriel Hugues Bonnet, membre non fondateur. Parmi ces 21 Frères, cinq étaient artistes dramatiques et un artiste musicien et membres d’une troupe de théâtre. Le collège des officiers est composé ainsi:
Vénérable : Pierre Félix Gabus
Premier Surveillant : Jean Baptiste Cizos
Deuxième Surveillant : Jacques Foussat
Orateur : Paul François Petit-Jean
Secrétaire : Jules Auguste Dufort
Premier Expert : Jean Baptiste Jany
Trésorier : François Testelin
Hospitalier : Jean François Moustous
Maître des Cérémonies : Eugène Elie
Garde des Sceaux et du Timbre : Félix Gabus
Député représentant la Loge auprès du Grand Orient : Dubois domicilié à Argenteuil
Ces Frères semblent massivement nostalgiques de la Révolution ou de l’Empire. Républicains ou bonapartistes, ils se sont retrouvés unis au sein de la loge. On peut donc comprendre que par sa sociologie un peu particulière comprenant des membres itinérants (la troupe de théâtre), ou établis très provisoirement à Montluçon, et avec l’espoir brisé de restauration de la République, la Loge « Le Phénix » devint inactive vers 1835.