D’après E. Gauthéron
A Brioude, la Loge « Saint-Julien », est reconstituée vers 1800. Elle reçut en 1801 de nouveaux memmbres : Gueffier de Talairat, homme de loi, Bonnet, greffier en chef du tribunal civil, Long, négociant et Couguet Tourette, greffier du juge de Paix.
Elle figurait sur l’annuaire des loges du Grand Orient de France de 1802 avec pour Vénérable le frère Dalbine. De nouveaux membres avaient été admis avant le 20 mai 1802 : Michel Nempde du Poyet, officier du génie, Berthier d’Auzat fils, négociant, Vital Borel, avoué et deux frères affiliés: De Pons fils, propriétaire, et Le Normand de Flaghac.
Le 20 mai 1802 le Vénérable Dalbine signait avec Vital Borel le règlement type adopté par le Grand Orient de France qui comportait dans le chapitre relatif au banquet l’obligation de porter sept santés.
Le 3 février 1806 est ouvert un nouveau registre des délibérations. Avant cette date la Loge avait vraisemblablement suspendu ses travaux car le 3 mars 1806 elle recevait 12 tabliers et 12 diplômes en prévision des futures admissions.
Elle décida de faire dire une neuvaine de messe pour le décès du frère servant Pagès. La situation de cette époque était en effet assez confuse ; des évêques et des curés ne voyaient aucun inconvénient à dire des offices à la demande des loges, alors que d’autres, qui s’y refusaient, s’attiraient parfois du gouvernement de sévères observations.
La fête de Saint-Julien, qui était aussi la fête patronale de Brioude, était l’occasion de grandes réunions auxquelles étaient invitées les loges voisines. Mais, en 1806, seules les Loges « La Parfaite Union » de Saint-Flour et « Saint-Jean » d’Ambert y avaient participé.
Réélu Vénérable en 1807 Dalbine reçut Jean-Pierre de la Roque, maire de la Chaise-Dieu, Victor de Romeuf, Jean Ignace Fausson de Montelupo, chef d’escadron, et Jean Croze Montbriset d’Auvernat. L’effectif de la Loge était de 43 membres actifs et trois honoraires. Mais beaucoup se contentaient de verser le don gratuit de 48 livres et une dizaine au plus assistaient aux tenues.
Au banquet du 7 mai 1810, on joint aux santés d’usage, celles de la nouvelle impératrice « notre auguste souveraine dont l’heureuse arrivée en France doit préparer à tous les Français une paix durable, un bonheur qui excitera l’envie de leurs voisins et le désespoir de leurs ennemis ». Le 24 juin le frère Laurent Borne est élu Vénérable et le frère Dalbine est nommé Vénérable d’Honneur.
En 1811 sont admis Julien Mosnier, propriétaire, et Pierre Malley, avoué. C’est aussi l’année d’un grand évènement qui donna l’occasion à la Loge d’affirmer son loyalisme : la naissance du roi de Rome, le 20 mars, fut fété le 25 juin par la Loge qui afficha sur la façade de son local les vers suivants :
« Du mirte et du laurier
« Prodiguons les ombrages
« Du bonheur des français
« Cet enfant est le gage »
Et en dessous : « Vive le Roi de Rome »
Le 28 août eut lieu la réception de la délégation de la Loge « les Amis Eprouvés » du Puy-en-Velay.
En 1812 la Loge vota un don de 20 livres au frère Colomb, pharmacien membre de la Loge, et, en 1813 elle vota un don de 24 livres à une boulangère dont la maison avait été incendiée.
Le 24 juin 1813 sont initiés aux trois grades d’apprenti, compagnon et maître quatre gardes d’honneur: Maigne, Pierre Martinon d’Aubignat, Jean Reynaud et Charles Morin. Ils étaient présentés par de la Roque Cadet, officier de la Loge « la Parfaite Union » du Puy-en-Velay, et Gilbert Auguste Drée, sous-préfet de Brioude. Après cette date la Loge suspend ses réunions. Le Grand Orient de France l’avait rayé de sa liste des Loges régulières en 1810. Mais en 1813 le tableau de loge comportait encore 50 frères et trois frères servants.
Après l’abdication de Napoléon le 20 avril 1814, les travaux reprennent le 27 juin. Le Grand Orient de France annonce qu’ « au retour des Bourbons….. il a coopéré à la réédification de la statue d’Henri IV pour une somme de mille francs ». Le 22 août la Loge cotisa 24 sous par tête pour la fête de Saint-Louis. Le montant total de 37 livres et 15 sous nous donne le nombre de 38 cotisants. Et le 5 septembre la Loge vote 50 livres pour la statue d’Henri IV.
La quiétude revenue dans la Loge fut interrompue par le retour de l’ile d’Elbe et les Cent jours, à la suite de quoi la diversité des origines et des opinions entraînèrent des dissentiments qui pesèrent sur les bonnes relations d’antan et qui amenèrent la fermeture de la Loge jusqu’en 1817. Mais le 26 novembre de cette année elle avait retrouvé son prestige puisque qu’une nouvelle Loge de Clermont-Ferrand, « la Parfaite Harmonie » s’adressait à elle pour obtenir les certificats nécessaires pour obtenir sa constitution. Elle rejeta la demande au motif qu’il existait à Clermont-Ferrand une Loge « la Franche Amitié », à qui la demande aurait dû être adressée.
En 1818 les loges fonctionnent en paix sous une certaine tolérance du pouvoir à condition qu’elles ne fassent pas de politique. Mais le 24 juin 1818 une phrase du livre d’architecture laisse supposer que la Loge « Saint-Julien » succombait à l’hérésie politique. Lors de l’enquête d’un candidat par deux membres de la Loge, le secrétaire avait écrit : « on doit faire une enquête sur sa conduite morale et politique ».
En 1819 et 1820 les recrutements se font en famille: Montbrizet fils, Borne fils, Adrien Ducrozet fils, étudiant en droit. Mais malgré l’entrée de nouveaux membres bien choisis et bien que le Vénérable soit, en 1822, Laurent Borne, sous-préfet de Brioude, on constate un déclin rapide de la Loge. La caisse ne contient plus que 6 francs et les travaux cessent encore une fois. Il est vrai que le Pape venait, le 13 septembre 1821 de condamner les sociétés secrètes et le carbonarisme révolutionnaire qui les envahissait avant de les diriger.
Les carbonari avaient réussi à s’introduire dans la maçonnerie et donnèrent à certaines Loges parisiennes un caractère dangereux pour l’ordre établi. Le frère la Fayette, républicain impénitent, les favorisait car il comptait sur eux pour établir un nouveau régime. Aussi, bien qu’ayant des appuis officiels, les Loges, même innocentes de toute conspiration, eurent-elles à souffrir de la méfiance et parfois de l’hostilité de la police politique.
Le 4 janvier 1828 le ministère Martignac lève la surveillance politique, et c’est à nouveau la tolérance pour la Franc-maçonnerie ; de nombreuses Loges reprennent leurs travaux. A Brioude un petit groupe se réunit le 8 mai 1828 et le 26 la Loge est reconstituée avec, en qualité de Vénérable, Talairat devenu baron; Surveillants, Vital Borel et Borne ; Orateur, Paul Maigne ; Secrétaire, Couguet fils ; Expert, Lefebvre des Gardes ; Trésorier, Missonier ; Maître des cérémonies, Lagrange ; Garde des sceaux, Bertier père ; Aumonier, Dalbine. Par affiliation et admission, 11 frères viennent compléter l’effectif et le 1er juillet 1828 le nombre de présents permettait de faire un réunion convenable. Après la réception de six nouveaux Frères, le 29 décembre 1828, l’Orateur, Paul Maigne, déclare : « le genre humain est en marche, rien ne peut désormais l’arrêter….notre société devait non seulement suivre cette direction mais elle devait se placer à la tête d’un mouvement aussi philanthropique ». Une commision de cinq membres est nommée pour traiter de question d’enseignement.
Mais le 1er janvier 1829 seulement huit Frères sont présents ; mais le petit groupe ne veut pas cesser de travailler ; le 27 mars ils sont cinq et créent 10 bourses de 1 franc par mois et 2 de 5 francs, et ils décident d’ouvrir une enquête sur les causes qui retiennent les trois-quarts des enfants mâles en dehors des cours d’enseignement et les moyens d’y remédier.
En juillet le voyage de La Fayette dans les départements du centre et de la région lyonnaise l’amena à Brioude le 30 juillet 1829. Les six délégués de la Loge « Saint-Julien » chargés de le recevoir avaient, malgré leur petit nombre, remué toute la ville et organisé banquets et réjouissances populaires. Le frère La Fayette et son fils, le frère Georges-Gilbert-Washington La Fayette, furent reçus en Loge au cours de la tenue du 31 juillet1829.
Fin 1829, la Loge fit de nouvelles recrues: Mallet Eugène et Jean-Baptiste, notaires, Gannat Julien, exploitant de mines, Roumilhac, de Lamothe, Bastide, Héraud, pharmacien. Mais le nombre de présents est de plus en plus faible. Les discussions politiques envenimées par le passage du Frère La Fayette ont sans doute provoqué des dissensions entre partisans et adversaires du gouvernement. Le 17 septembre, la visite de plusieurs Frères liés au mouvement des carbonari apporte également des informations sur l’état d’esprit régnant dans la Loge qui se heurte désormais à une hostilité certaine de la part de l’administration, confirmée par la radiation du sous-préfet Laurent Borne.
Les « Trois Glorieuses » journées des 27, 28 et 29 juillet 1830 furent une surprise, mais rapidement célébrée par le Grand Orient de France dans une fête nationale et maçonnique fixée au 16 octobre à laquelle chaque Loge devait envoyer des députés. Après avoir nommé trois Frères pour la représenter à cette fête, la Loge fait hommage au Grand Orient d’une somme de 50 francs.
Elle reçoit six nouveaux membres en 1830 et quatre en 1831. Mais malgré l’arrivée de ces recrues les réunions sont de moins en moins vivantes et les dissensions politiques opposent de plus en plus les membres traditionalistes et les jeunes novateurs. Le 11 juillet 1831 le vénérable Talairat estima qu’il était inutile d’ouvrir un nouveau registre. Et le nom de la Loge « Saint-Julien » ne figurait plus dans l’annuaire du Grand Orient de France de 1832.
A Brioude il fallut attendre 180 ans pour voir renaître une Loge du Grand Orient de France. C'est en effet en 2012 que la loge « Les Deux Mondes » a été installée.