Après guerre les initiations reprennent, doucement d'abord, puis à un rythme accéléré à partir de 1922. L'année 1920 est consacrée en partie à une étude sur « la loi de 8 heures et l'éducation des masses populaires » présentée par le frère Déret. Un autre rapport, toujours sur I'enseignement conclut: « la puissance de la pensée humaine est considérable, ses effets sur le bonheur des individus et des sociétés valent bien qu'on s'attache à la répandre toujours davantage, à la cultiver toujours mieux, en modifiant au besoin les règlements qui ne sont que des conventions ».
Pourquoi faut-il que chaque génération réaffirme, avec toujours autant de force, des principes et des idées, reconnus à peu près par tous mais jamais réellement mis en pratique ?
En 1922, la Loge émet un voeu, transmis au Grand Orient, pour que l'envoi des pupilles de l'Assistance Publique dans les écoles laïques soit systématique.
Les années passent, les candidats se pressent à la porte du Temple, surtout à partir de 1922 jusqu'en 1930, puis en 1933 et 1936. ll semble bien qu'il y ait afflux vers la Loge quand les nuages des événements extérieurs s'amoncellent mais laissent encore la possibilité de choisir son camp, ses idées et de lutter. La Loge, à ces moments-là est le havre de paix où l'on peut réfléchir et se déterminer quant aux lendemains. Puis, quand l'orage éclate, c'est le reflux, le désintérêt, chacun ayant choisi sa voie ou ayant trop à faire pour avoir envie de prendre du recul sur les évènements.
En 1928, le coeur de la Loge bat un peu plus fort. Le frère Boudet, maire de Moulins, se présente à la députation contre une notoriété: Alexandre Zevaës (de son vrai nom Bourson, né à Moulins, publiciste, avocat à la Cour d'Appel de Paris, ancien député de I'lsère, auteur d'ouvrages d'histoire consacrés surtout à la Troisième République et au socialisme français. On lui doit aussi des études sur Jules Valès et Émile Zola). Le frère Boudet triomphe.
L'anticléricalisme des Frères conduits par le Vénérable Bouy reste toujours vigilant. Ainsi, la Loge s'inquiète-t-elle en 1929 de la menace de la rentrée en France d'un certain nombre de congrégations.
C'est un grand moment de la vie Maçonnique que traverse l'Atelier en 1930 avec la présence du Président du Conseil de l'Ordre, le frère Arthur Groussier au cours de la fête solsticiale. Forte personnalité que Groussier. lngénieur des Arts et Métiers. secrétaire de la Fédération Syndicale de la Métallurgie, il est élu en 1893, à 30 ans, député du Xème arrondissement de Paris sous l'étiquette socialiste. C'est l'époque où ce parti siège à I'extrême gauche. C'est l'époque héroïque des Edouard Vaillant, des Albert Thomas, des Paul Boncour, des Brache, des Marcel Sembat, des Léon Blum et des Jaurès. Pendant 28 ans il siège au Parlement où il s'occupe de questions sociales, notamment de la protection légale des travailleurs: législation prud'hommale, repos hebdomadaire, protection des enfants et des femmes, hygiène et sécurité des travailleurs sur le lieu de travail. En 1921, il démissionne de la vie publique pour raisons de santé: il a 58 ans. En 1925 il est choisi comme Grand Maître du Grand Orient, poste qu'il occupe à plusieurs reprises. La personnalité de Groussier est tellement forte qu'il réussit à en imposer même aux sbires de la gestapo venus arrêter ce Grand Maître de la « Judéo-Maçonnerie toute puissante ». ll a alors 79 ans. ll meurt en 1957 à 94 ans. ll était venu en Allier en décembre 1894 jeter les bases de la première Bourse du Travail ainsi que celles d'une coopérative de boulangerie.
La fête finie, les frères se remettent au travail. Après analyse, un voeu est envoyé au Conseil de I'Ordre pour éveiller I'attention des parlementaires républicains laïcs sur la main mise et l'emploi qui pourrait être fait des Caisses d'Assurances Sociales, nouvellement créées, par des associations catholiques.
C'est aussi une étude sur les différentes doctrines et les diverses voies qui permettraient au socialisme de s'instaurer en France et surtout (toujours I'idée de construction) quel visage devrait avoir la cité future. Souci omniprésent en Franc-Maçonnerie; la Loge d'Aurillac créée en 1937 ne se nomme-t-elle pas « la Cité Fraternelle ». Le sujet est donc constamment d'actualité sous une forme ou une autre.
Les grandes crises de 1934 et 1936 approchent, le climat est incertain. La Loge étudie en 1931 « la crise morale de la démocratie » et travaille sur une « étude de la morale maçonnique au sein des divers groupements sociaux ». La sensation d'une certaine décadence préoccupe les Frères qui souhaiteraient que la société retrouve une réelle morale.
Le Grand Orient délègue en 1932 pour le représenter à la fête solsticiale, le Conseiller de I'Ordre Provandier, professeur à Montluçon, qui retrouve à cette occasion son ancienne Loge, puisqu'il en a démissionné pour adhérer à « Union et Solidarité ». La Franc-Maçonnerie continue d'être mal perçue dans certains milieux puisqu'un candidat, commerçant rue de Lyon à Moulins, doit renoncer au dernier moment en raison de l'opposition formelle et obstinée de sa femme qui va jusqu'à le menacer de divorce.
Après les évènements de Février 1934, la Loge « demande au Conseil de l'Ordre du Grand Orient d'exiger de tous les Ateliers la confirmation solennelle par chacun de leurs membres du serment de fidélité aux institutions démocratiques qui se confondent avec les aspirations générales de la Franc-Maçonnerie ». Cette attitude unanime des Francs-Maçons moulinois faillit bien leur valoir de dures représailles. Un attentat contre les locaux, semblable à ceux ayant eu lieu à Cannes, Chartres et Dieppe est préparé mais les Frères, prévenus, sont sur leurs gardes et il ne se passe rien. Les années 35, 36, 37, 38 s'écoulent. La vie de la Loge continue, des frères disparaissent, meurent, quittent le département, quelques-uns abandonnent.
Une seule préoccupation pour I'Atelier: la paix. Malgré un appel du frère Roosevelt à la clôture du Convent de 1938, on sait ce qu'il en advint. En 1939, les dirigeants de I'Atelier sont Bouy, Rispal, Lacroix, Clermont, Diat, Bournatot, Perret. Le congrès des Loges du centre se déroule à Moulins en la présence du Grand Maître Groussier et des membres du Conseil de l'Ordre : Provandier et le Général Péloquin. La question examinée porte sur les bases d'une organisation rationnelle de la paix.