En mai 1945, le Conseil de I'Ordre autorise la Loge « Equerre » à reprendre régulièrement ses travaux.
Le 7 Juillet, le Frère Boudet, déjà réintégré depuis longtemps par ses Frères, qui I'ont vu agir durant les années sombres, est réintégré aussi officiellement dans ses droits politiques. Il était resté maire de Moulins sous I'occupant d'où sa suspension temporaire. Son aide à la Résistance est reconnue par un jury d'honneur.
En Octobre, une lettre de la Bibliothèque Nationale informe du retour des archives des Loges du Grand Orient à l'exclusion toutefois des documents antérieurs à 1850. ll apparait donc que le « vieux registre » de la Loge l'Humanité ne nous sera pas restitué. C'est un peu de notre coeur qui part. Souhaitons que les profanes qui seront appelés à le consulter aient l'ambition de devenir des hommes plus éclairés. Le Temple a maintenant repris sa physionomie d’avant guerre grâce aux efforts des Frères qui ont versé en plus de leur cotisation le montant d’une journée de travail. Au convent, on compte 286 Loges et 6 000 Maçons contre 30 000 avant guerre.
Novembre, décembre 1945, on apprend le décès du Frère Barbarat. Des nouvelles sur la vie de Rispal à Mauthausen sont données par un Frère de Limoges, compagnon d'infortune. Puis c'est l'annonce officielle de son décès.
Le 15 Avril 1946 se tient une nouvelle Tenue. Les Frères de la Loge"Equerre" constatent avec satisfaction que la Loge de Vichy a donné 25 glaives (remis fin 1984 à la nouvelle Loge de St-Amand-Montrond « Le Boischaut Fraternel »: illustration de la chaîne d'union dans Ie temps et l'espace ?) et quelques objets maçonniques. Un Frère annonce la libération par les Russes de Mauthausen où se trouve le Frère Rispal, que l'on croit toujours vivant. Puis les Frères tirent une batterie de deuil à la mémoire du Frère Roosevelt et lui associent le Frère Matinier de Bellenaves, exécuté et torturé, dont le cadavre vient d'être découvert. Et c'est la première demande d'initiation.
Quelques mois plus tard, la rue Gaston change de dénomination pour devenir la rue Rispal en l'honneur de notre valeureux Frère.
Premières agapes, ô combien chaleureuses et appréciées bien que ce soit toujours l'époque des tickets de rationnement, puis d'autres nombreuses initiations, d'autres réflexions, d'autres luttes. La vie de la Loge, un moment interrompue, a repris. Elle se perpétue. Le chantier est toujours ouvert. Les ouvriers se succèdent, prennent la relève pour travailler sans cesse à construire la cité de demain plus juste, plus fraternelle, plus humaine.
Nous avons déjà constaté dans le chapitre des « Années grises » les dégâts causés par les lois de l’Etat français empêchant le fonctionnement de la loge. Les Frères n'avaient plus l'autorisation de se réunir, leur Temple était occupé par l'armée allemande puis par le Secours National. A la dernière Tenue du 11 mai 1940 ils n'étaient que 13 présents sur 110 Frères, la France subissait alors l'offensive allemande, de nombreux Frères étaient aux Armées. Curieusement il est fait silence sur la gravité de la situation. Y avait-il déjà des craintes pour l'avenir de la Maçonnerie ? ou simplement une mauvaise approche de l'état des opérations militaires.
Le vénérable Bouy étant décédé ce fut Francisque Clermont, un professeur, ancien Orateur, qui impulse la renaissance de la Loge. La reprise officielle a lieu le 24 septembre 1944 trente Frères sur cinquante y participent. ll fallait alors faire le point sur leur comportement durant l’Occupation. Ainsi une commission de réintégration composée de sept Frères est créée, trois cas semblent avoir fait problème, leur demande de réintégration a été transmise au conseil de l'ordre du GODF qui en a accepté deux.
ll fallait réintégrer les locaux et les meubler, rassembler à nouveau les Frères, reprendre les initiations. ll fallait redonner vie à la Loge « Equerre ». ll s'agit donc d'une véritable renaissance. Les Frères endurcis par les épreuves de l'Occupation et espérant bâtir un monde nouveau voulaient que la Franc-Maçonnerie y apporte sa contribution.
En attendant la restitution des locaux demandée au Préfet le 8 octobre 1944 et la remise en état, l'Atelier se réunit dans une salle municipale de l'Université Populaire de Moulins. Les Frères se mobilisent. Une contribution financière exceptionnelle correspondant à une journée de travail est versée. Une partie du mobilier vendu aux enchères est récupérée. Des Loges amies offrent aussi leur soutien. Le montant du tronc de bienfaisance s'élevant à 1200F est restitué par la ville de Moulins qui l'avait reçu en don pour ses oeuvres sociales conformément à la loi. Un dédommagement est obtenu de l'Etat pour faits de guerre. Les efforts fournis sont rapidement récompensés : c'est le 11 mars 1945 que la Loge « Equerre » retrouve son berceau, le Temple, de la rue Gaston.