Cette Loge est fondée en 1848. Elle travaille semi-clandestinement jusqu’en novembre 1849. Une demande de Constitution lui est refusée par Le Grand Orient de France. Des Constitutions lui sont alors délivrées en juillet 1849 par le Suprême Conseil de France (future Grande Loge de France). Installée le 2 décembre 1849, elle est interdite par le préfet Charlemagne de Maupas (1) dès le 5 décembre 1849. Elle continua pendant quelques années une existence à nouveau semi-clandestine.
La liste suivante de onze membres est issue des papiers saisis chez le député Félix Mathé, à la même époque Vénérable Maître de la loge « l’Humanité » à l’Orient de Moulins. C’est au titre de député qu’il possédait cette liste.
Les deux membres suivants seront fondateurs ou adhérents à la future loge de Vichy, « La Cosmopolite », dont l’allumage des feux aura lieu en 1869 :
Duvergiet (du Garet) Eustache Marie Magdeleine. Il était sous la Seconde République employé et propriétaire à Vichy. Né le 24 août 1810 à Châteldon, il s’était marié le 28 avril 1835 à Vichy avec Anne Éléonore Debrest (née le 19 mai 1817). En 1835, il était confiseur et habitait Broût-Vernet (Archives de l’Allier-Vichy-MD (1823-1842) 2 E 311 7 page 95). Il fut frappé d’internement lors du coup d’État en 1851. Son parcours maçonnique est le suivant : Apprenti le 22 septembre 1849 dans la Loge « Les Amis de la Paix », donc avant l’allumage officiel des feux. Compagnon le 18 août 1850, toujours dans la loge « Les Amis de la Paix ». Peut-être membre fondateur, il s’est affilié dans la Loge « La Cosmopolite ». Il fut élevé à la maîtrise dans cette dernière loge le 28 août 1871. Il habita ensuite Aulnat dans le Puy de Dôme (Il figure dans le recensement de 1886 au n° 197, mais pas dans ceux de 1881 et 1891). Il se serait alors affilié dans la Loge « Les Enfants de Gergovie » à l’Orient de Clermont-Ferrand.
Maridet Antoine (Simon Antoine). Il était marchand chapelier à Cusset rue de la Constitution (l’ancienne rue de la Charte avant 1848). Il est né le 18 août 1814 à Cusset, s’est marié à Marie Émilienne Chacot (née le 11 janvier 1811 à Saint-Rémy en Rollat près de Vichy, et décédée le 29 mai 1895 à Vichy) le 20 décembre 1834 à Saint Germain des Fossés. Il était domicilié au 41 avenue Victoria lors de son décès le 20 mai 1895. Son parcours maçonnique est le suivant : Il fut élevé à la maîtrise le 10 septembre 1850 d’après le fichier Bossu. Il fut membre fondateur de la Loge « La Cosmopolite ». Devenu honoraire le 1er janvier 1877, il a offert son mobilier maçonnique et 500F le 1er janvier 1895 à la Loge. Il était le fils de François Maridet, né à à Saint Martin d’Estreaux (42), et aussi chapelier à Cusset en 1814. On retrouve Antoine Maridet sous le nom de Maridet-Chacot, chapelier, élu à la municipalité de Vichy sur une liste d’opposition en 1857, réélu en 1860, battu en 1865, mais réélu en 1870. Il fut signataire de l’appel du Conseil Municipal du 6 septembre 1870 :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AUX HABITANTS DE VICHY
La République est proclamée et le Conseil municipal de Vichy salue le Gouvernement. Le Conseil municipal invite les citoyens à la concorde et au respect des lois. La liberté est à ce prix. Ne songeons qu'à l’ennemi qui est aux portes de Paris. Le Conseil municipal uni tout entier dans la même pensée, engage les citoyens à ne se laisser entraîner par aucune convocation qui n’émanerait pas de l'autorité municipale légalement constituée. Faire naître la division serait fournir des ressources à l’ennemi. Ayez confiance dans les élus du suffrage universel et unissons-nous dans un même cri :
Vive la France ! Vive la République !
Délibéré en Conseil à l’Hôtel de Ville, le 6 septembre 1870.
Le 5 octobre 1870, Antoine Maridet fut nommé dans la commission municipale faisant office de conseil municipal. Il fut réélu le 30 avril 1871, le 22 novembre 1874 et le 6 janvier 1878. Il devint second adjoint le 3 novembre 1878.
Les autres membres de la Loge étaient :
Boisset Jean. Il était carrossier à Cusset. Il était né le 13 avril 1827 à Cusset, et s’est marié à Jenzat le 19 juillet 1853 avec Adèle CHAMBON. A noter que Jean dit Joanny BOISSET, né le 25 octobre 1847 à Vichy (d’après les relevés des registres de la loge « La Cosmopolite », mais dont l’acte d’État Civil n’a pas été retrouvé), et décédé le 1er octobre 1895, entrepreneur de menuiserie, a été initié en 1876 par la loge « La Cosmopolite ». Sont-ils apparentés ? En 1851 existait aussi un Louis Claude BOISSET, horloger rue des lunettes à Cusset (il était né le 22 septembre 1828). Le 28 avril 1857, il signa comme témoin l’acte de naissance de la petite fille de Jean Baptiste COURTEVAL, Marie Jeanne Clara SOLAIRE.
Bussière Claude. Huissier à Cusset, né le 10 mars 1825 à Brout-Vernet (03), et marié à Jeanne Réguier. Il est décédé le 01 janvier 1865 à Cusset. En 1849, il résidait cours Lafayette.
Chabanne Gilbert. Il était maître menuisier rue du Pont à Vichy en 1849. En 1837, il fréquentait l’école communale de Vichy. Il est né le 05 novembre 1824 à Vichy, et marié à Elisa Georgeon. Lors de son divorce en 1867, il est désigné « entrepreneur de constructions » en faillite.
Courteval Jean Baptiste, commis de banque à Cusset, il était né vers 1799 et marié à Charlotte Roux, née vers 1817. En 1832, il était maréchal des logis au peloton hors rang du quatrième régiment de chasseurs à cheval en garnison à Stenay (Meuse). Il habitait rue de Savoie, au centre ville de Cusset (Recensements 1851 et 1856), puis rue du Plaisir à partir de 1857.
Dionnet, maître plâtrier à Cusset. Il était né le 11 février 1828 à Vichy. Il s’est marié à Cusset le 23 novembre 1851 avec Françoise BERNARD.
Gayot Jean Baptiste, né le 5 mars 1817 à Cusset, et marié à Marie Martin (décédée le 29 août 1894). Il fut maire de Cusset de février 1848 à juin 1848, puis maire de Monetay-sur-Allier (du 29 janvier 1871 au 11 mai 1871). Il fut arrêté à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851. Dans les tables de proscription de 1852 figure le nom de Gayot, ancien percepteur. Condamné à la déportation en Algérie, il fut gracié en date du 2 février 1853. Son frère Jean-Pierre Gayot ne semble pas avoir été franc-maçon. Il était né le 22 mars 1819 à Monetay sur Allier, et mort le 12 avril 1881 à Cusset. Il exerça la profession de géomètre-arpenteur à Cusset. En 1881, Il était propriétaire rue du Douet. Son père François Gayot, né le 18 septembre 1783 à Serbannes, mort le 19 septembre 1854 à Cusset, était marié à Madeleine Rodde (née en 1792, décédée le 26 mars 1860 à Monetay sur Allier) : son père était Jean-Pierre Rodde, négociant, mais dont le lien de parenté éventuel avec le Frère Eugène Rodde reste à établir.
Peulon Claude, né le 12 juillet 1797, soit le 24 messidor an 5, à Cusset. Il est décédé le 22 janvier 1882 à Cusset. Il habitait rue des Fossés de la Prison en 1851, et y habitait toujours à son décès.
Rambert Gaspard (Cornillon l’orthographie Rembert). Il était boulanger rue d’Allier à Vichy. Né le 20 février 1807, avait épousé Marie Seguin et mourut avant 1876 à Vichy. Antoine Rambert (né vers 1798) avait épousé, à Cusset, Gabrielle Dionnet : Y a t-il des liens de parenté ?
Rodde Eugène. Il est né vers 1825. Il était propriétaire à Cusset, rue Barbate.
Vinquet Jean (Cornillon l’orthographie Vinquier) a habité rue de Latour, puis place Verrier à Vichy. Il était conducteur de travaux publics. Né vers 1808, il avait épousé Jeanne Fortin.
La Loge travaillait au rite écossais. De même que la Loge « Union et Concorde », elle ne fut jamais très nombreuse ; comme elle aussi, elle fut créée en 1848, au plus fort de la tempête. Les éléments dont elle fut formée étaient tout à fait différents de ceux dont était constituée sa sœur voisine et ennemie. Tandis qu’« Union et Concorde » ne comptait parmi ses membres que des bourgeois et des gros propriétaires, « Les Amis de la Paix » se recrutèrent uniquement dans la classe des propriétaires et des patrons. Aucun ouvrier, ni artisan, ne furent admis parmi eux (2), ce qui a lieu de surprendre, étant donné qu’ils étaient tous républicains et chauds partisans du suffrage universel, en faveur duquel ils avaient lutté avec ardeur sous la Monarchie de Juillet.
Le siège exact de cette Loge est ignoré, mais les noms de ses fondateurs sont connus. Ils étaient onze, quatre de Vichy et sept de Cusset. C’étaient tous des gens dans la force de l’âge, jouissant de l’estime générale, par leur conduite privée et par leurs vertus civiques.
Lorsque Mathé quitta son poste de commissaire du Gouvernement, il laissa dans son cabinet, soit par inadvertance, soit intentionnellement, la liste des membres composant la loge « Les Amis de la Paix » de Cusset. La voici, transcrite textuellement : Gayot fils aîné, propriétaire à Cusset ; Vinquier, directeur de travaux à Vichy ; Peulon, maître charpentier à Cusset ; Bussière, huissier à Cusset ; Maridet, marchand chapelier à Cusset ; Duvergier, propriétaire à Vichy ; Rembert, boulanger à Vichy ; Chabanne, maître menuisier à Vichy ; Courteval, commis de banque à Cusset ; Dionnet, maître plâtrier à Cusset ; Boisset, carrossier à Cusset, et Rodde Eugène, propriétaire à Cusset…
Ces Frères de Cusset, modestes et démocrates, avaient demandé en juillet 1849 la reconnaissance d’un Atelier sous la dénomination de « Les Amis de la Paix ». Ils sont pris de vitesse par un groupe de riches monarchistes qui se font instituer à Cusset par le Chapitre de Moulins sous l’appellation : « Union et Fidélité ». Il est néanmoins installée le 2 décembre 1849. Mais dès le lendemain, l’autorité judiciaire avise le Préfet de l’Allier de l’irrégularité, à ses yeux, de ce club turbulent s’occupant de politique sous l’égide de la Maçonnerie, et, le 5 décembre, le Préfet prend un arrêté de fermeture.
(1)Charlemagne de Maupas. Nommé à la préfecture de Paris le 27 octobre 1851, il est considéré comme le principal organisateur du coup d’État du 2 décembre 1851. D'après Pierre Chevallier, son père était franc-maçon. Le fichier Bossu mentionne celui-ci : « R.•. C.•., 1er Surv.•. L.•. l’Union des Cœurs O.•. de Bar sur Aube, 1841. Vis.•. à la fête d’Ordre de la loge des Vertus Réunis O.•. de Vitry-le-François le 17-7-1841. Il y compose et chante un cant.•. (Le Globe franc-maçon, IV, 245) ».
(2)Ce qui est inexact, au vu du curriculum.ougeron