Entre la disparition de La Ruche Encyclopédique en 1970 et la guerre de 1914. les profanes thiernois suivants ont été initiés à l’Orient de Clermont-Ferrand :
• Jean Brugère, directeur de l'Ecole centrale de Thiers, né en 1858, initié par « Les Enfants de Gergovie » en 1884.
• Joseph Chevalerias, pharmacien à Celles-sur-Durolle, né en 1873, initié par « Les Enfants de Gergovie » en 1901.
• Guillaume Huguet, agriculteur qui fut député du Puy-de-Dôme, maire de Seychalles, né en 1867, initié par « Les Enfants de Gergovie » en 1902.
• Joseph Claussat, docteur en médecine à Châteldon, qui fut député du Puy-de-Dôme, beau-père de Laval, né en 1874, initié en 1902 par « Les Enfants de Gergovie ».
• Gustave Tourbier, professeur de musique, puis liquoriste, ami du Frère Jean Richepin, dont il mit en musique plusieurs poèmes de la chanson des gueux. Né en 1866, il fut initié en 1904 par «Les Philanthropes Arvernes».
• Jean Vigier, instituteur à Celles-sur-Durolle, né en 1866 et initié en 1907 par « Les Enfants Gergovie ».
• Claude Lagorgette, instituteur à Limons, né 1866, initié en 1911 par « Les Enfants de Gergovie ».
• Blaise Vedel, fabricant de coutellerie né en 1877, initié en 1911 par « Les Philanthropes Arvernes ».
• Rondet, architecte à Lezoux initié par «Les Enfants de Gergovie».
C'est seulement après la guerre de 1914 - 1918 qu'avec l'apport de Frères fonctionnaires nommé à Thiers, ces Frères de la région thiernoise songent à constituer à Thiers un atelier indépendant.
Et c'est ainsi que le samedi 21 mai 1921 six Frères : Brugière, Boulan, Vedel, Hugonnet, Tourbier et un frère nommé Favié, le frère Beyssac étant excusé, décident de fonder un triangle maçonnique sur l'invitation de la Loge « Les Enfants Gergovie ». Les réunions auront lieu chez le Frère Brugière, qui a un pavillon sur la route de Vichy.
L’installation officielle, suivie d'une agape, a eu lieu le 12 juin 1921. Elle est faite par le Vénérable Maître Dionnet de la Loge «Les Enfants de Gergovie ».
Le procès-verbal de cette Tenue porte neuf signatures, plus celle de 12 Frères visiteurs.
Le triangle est très actif. Dès le 27 novembre 1921, les initiations sont faites par « Les Enfants de Gergovie » pour le Triangle de Thiers.
Ainsi sont initiés :
• Louis Servajean, de la Trésorerie générale
• Jacques Thuel, fabricant de cannes, plus tard président de la chambre de commerce de Thiers
• Gilbert Boucheras,
• Claude Lacour, industriels
• Claude Imbert, professeur à l'Ecole pratique
• Chamaret, professeur d'éducation physique
• Antonin Chastel, distillateur, maire et conseiller général
• Pierre Nourrisson, industriel
• André Bugnard, professeur de mathématique
Des Frères de la Grande Loge de France fréquentent le Triangle: c'est le cas du Frère Cotillon, distillateur, qui fut radié (sans avoir à passer par sa Loge de Clermont-Ferrand) pour ses accointances avec l'action libérale, mouvement de droite. Cotillon devint maire de Thiers, élu sur une liste de droite.
Au cours de la Tenue du 31 juillet 1921, le Vénérable Tourbier demande que le Triangle soit représenté dans le nouveau groupement républicain, dans le but d'arriver à une union républicaine de gauche....
Le 27 novembre 1921, les Frères étudient un projet d'assurance sociale et une Planche portant sur la nécessité de s'organiser contre la « réaction » et de chercher des moyens de lutte efficace. Le 13 juillet 1922, il est question de la radiation du Frère Cotillon.
Le 6 mai 1923, une réunion a eu lieu dans la distillerie du Frère Tourbier, sous la présidence des très illustres Frères Vaganay et Lavendier, pour la transformation du Triangle en Loge. Après un vote unanime pour la création de la Loge, il est décidé de constituer une Société Civile Immobilière par actions de 100 francs, et d'adresser une circulaire à chaque Frère pour connaître le nombre d'actions qui pouvaient être souscrites.
L'élection desOfficiers de la Loge provisoire a lieu le 29 juillet 1923 dans la distillerie du Frère Chastel. Elle donne le résultat suivant :
• Vénérable : Tourbier (10 voix, Rondet ayant obtenu 4 voix)
• Premier surveillant : Brugière
• Deuxième surveillant : Hugonnet
• Secrétaire : Caburel
• Trésorier : Servajean
• Grand expert : Favié
• Hospitalier : Thuel
• Couvreur : Chastel
• Maître des cérémonies : Chamaret
Bien qu'il y ait eu des réticences de la part du Vénérable Dionnet de la Loges «Les Enfants de Gergovie», le Triangle va se transformer en Loge et prendre le nom de Loge « Justice ». La première Tenue de « Justice » à L’Orient de Thiers a lieu dans un local qu'elle avait loué, au numéro 10 de la rue des Papeteries, près du pont de Seychalles, le 20 décembre 1923.
La tenue solennelle a lieu le dimanche 10 février 1924.
En voici le compte rendu établi par le Frère Groisne :
« Dimanche dernier, 10 courant, le Vénérable Dionnet, délégué du Grand Orient, les Frères Renard, Urbain, Alexandre, délégués de l'Atelier des Enfants de Gergovie, auxquels s'étaient joints les Frères Pérols, Tourdias, Granet, Roy, Chatinel, Vianet, Mège, ainsi que Matinier, représentant la Loge d’Issoire et Patrice, de l’Orient de Vichy, se sont rendus à Thiers pour présider et assister à l'installation de la Loge Justice, à l’Orient de Thiers.
A 9 h 30, les travaux sont ouverts par les Frères Tourbier, Vénérable maître de la Loge Justice.
Après avoir souhaité la plus cordiale bienvenue au Vénérable Dionnet, représentant le Grand Orient, au Frère Provandier, membre du Conseil de l'Ordre, aux délégués des Loges de Clermont, Vichy, Issoire, Limoges, le Vénérable Tourbier cède la présidence au Vénérable Dionnet, qui, assisté des Frères Provandier, comme Premier Surveillant, et Renard, comme Deuxième Surveillant, procède à l'installation de la Loge "Justice".
Le nécessaire ayant été fait suivant la Constitution, le Vénérable Dionnet prononce une vibrante allocution et exhorte au travail, à la Fraternité, à la bonne harmonie, les Frères de la nouvelle Loge qu'il vient de constituer.
Votre Atelier, dit-il, qui doit être considéré comme l'enfant de la Loge de Clermont-Ferrand, trouveras toujours auprès des Enfants de Gergovie l'accueil le plus paternel et le plus chaleureux.
Le Frère Provandier salue ensuite la nouvelle Loge au nom du Conseil de l'Ordre, et le Frère Renard en fait autant, au nom des "Enfants de Gergovie" et du "Chapitre".
Après une courte suspension de séance, pendant laquelle nos Frères de Thiers ratifient la constitution de leur Loge les travaux reprennent, sous la direction du Vénérable Tourbier, assisté des Frères Hugonnet, Premier Surveillant, Thuel, Deuxième Surveillant, Rey, Orateur, Caburol, Secrétaire, Servajean, Trésorier, Chamaret, Maître des Cérémonies.
Le Vénérable Tourbier, au nom de son Atelier, remercie en termes émus les Frères délégués et visiteurs, dit toute sa reconnaissance au Frère Dionnet, dont il fait l'éloge mérité, et s'engage à suivre ses conseils éclairés. Il donne ensuite la parole au Frère Rey qui, dans un substantiel discours où le talent le dispute au mérite, expose les origines de la Franc-maçonnerie ses vues et ses buts. »
Un mois après cette Tenue Solennelle, le 13 mars 1924, a lieu la première initiation, à la Loge "Justice", du profane Auguste Aquin, directeur de la centrale hydroélectrique de Sauviat.
Voici quelques activités de la Loge jusqu'à la guerre de 1939 :
• Le 18 octobre 1924, il est déjà question d'un couteau maçonnique. La Loge autorise le Frère Chamaret à déposer au greffe du tribunal de commerce une marque "Justice Thiers", qui sera apposée sur la lame. Le Frère Gloton, de Paris, étant chargé de la vente.
• Le22 octobre 1924 : Le frère Boucheras est désigné pour se renseigner des conditions d'achat de l'immeuble situé, 11 rue Mercière.
• Le 12 novembre 1924 : Le Frère Boucheras annonce l'achat de l'immeuble pour la somme de 18 000francs.
• Le 10 décembre 1924 : La Loge souscrit à l'achat de l'immeuble pour la somme de 1000francs (par Frère?).
• Le 24 juin 1925 : Le Frère Boucheras, gérant de l'immeuble, annonce que le local du futur Temple va être libéré et que les travaux de réfection vont commencer.
• Le 21 novembre 1926 : Réunion du conseil de famille pour créer la société immobilière, qui a connu une modification de ses statuts en 1951.
• Le 27 avril 1929 : Cinq ans après sa création, l’Atelier de Thiers organise le banquet pour la fête officielle des Loges du Puy de Dôme. Cette manifestation est honorée par la présence de notre très illustre Frère Arthur Groussier, Grand Maître ad-vitam du Grand Orient de France. Le banquet a lieu au restaurant du Breuil. Il regroupait 200 participants, qui reçurent chacun un couteau souvenir portant l’inscription « Les loges du Puy de Dôme, 27 et 28 avril 1929. »
• Le 26 janvier 1930 : L'Atelier vote une somme de 100 francs pour les sinistrés de La Muratte (incendie).
• Le 10 avril 1930 : Les sapeurs-pompiers de La Monnerie-Le Montel sollicitent une subvention pour l'achat d'une pompe à incendie.
• Le 25 février 1934 : L'Atelier adresse au Grand Orient la planche suivante : « Dans sa tenue du 14 février 1934, la Loge "Justice", Orient de Thiers, se préoccupant des événements actuels (montée de la réaction), pense justement que les Maçons ont pour impérieux devoir de s'associer aux manifestations et groupements destinés à combattre la réaction et le fascisme. Emue par les circulaires du Grand Orient, demandant de s'abstenir de toute manifestation extérieure, qui paraissent imprégnées d’une certaine passivité, émet le vœu que la Maçonnerie ne se cantonne pas dans sa tour d'ivoire pour subir, un jour, le même sort que la Maçonnerie italienne. » La Loge a d'ailleurs invité tous les membres de l'atelier à participer aux manifestations dans la rue et à adhérer au comité de vigilance qui vient de se créer à Thiers. Elle a désigné deux de ses membres, les Frères Boucherias et Noalhat, pour assister en toutes circonstances aux réunions de ce comité, prendre part à ses travaux d'une façon active, comme représentants de la loge « Justice ». A la fin de cette tenue, le Vénérable félicite le Frère qui a organisé à Thiers la manifestation antifasciste du 12 février.
• Le 26 mai 1935 : L’ex-Franc Maçon Moncorger demande qu'il soit accordé deux prix aux élèves reçus au certificat d'études. La proposition est adoptée (15 francs au troisième, 10 francs au quatrième). Une protestation de la Loge est adressée à la municipalité pour l'autorisation de faire une procession et une messe en plein air à l'occasion du congrès eucharistique des 12 et 13 juin.
• Le 28 avril 1937 : Le Frère Brousse, de la Loge « Les Enfants de Gergovie », présente une planche sur l'historique du scoutisme, et invite l'atelier à créer un groupe de scouts laïcs dans la région. Suite à cette planche, un groupe d’Eclaireurs de France s'est développé à Thiers et a existé jusqu'en 1940. Il s'est reconstitué en 1950, grâce à l'initiative du Frère Borel, Vénérable d’honneur de la Loge.
• Le 3 octobre 1938 : L’atelier organise une fête solsticiale, sous la présidence du Grand Maître Arthur Groussier et du Très Illustre Frère Provandier, avec la participation de Frères visiteurs des orients de Clermont-Ferrand, Vichy, Issoire, Bourges, Guéret, Montluçon et Aurillac. Le banquet qui a suivi a été servi au restaurant de la Rivale.
• Le 26 février 1939 : Le vénérable Maître rend compte de sa participation en tant que représentant de la Loge auprès du comité d'accueil des réfugiés espagnols. L'Atelier verse la somme de 100 francs pour constituer une caisse de premiers secours.
• Le 26 juillet 1939 : Au cours de cette tenue, tous les Frères souhaitent que des décisions urgentes soient prises pour éviter un conflit mondial.
En réponse à ce vœu, c'est, d'abord la guerre, puis, en 1940, l’effondrement. Pendant cette première période de seize ans, l'activité de la Loge a été très grande et très régulière. Les effectifs augmentent progressivement pour dépasser la trentaine de frères.
Toutes les questions générales qui préoccupent la France et le monde, telles que la reprise des relations avec l'Allemagne, la Russie, les élections municipales et législatives, les associations laïques, l’école unique, Mussolini, la libre-pensée, le nazisme, etc. sont évoquées et étudiées.
Mais revenons au 30 mai 1940. La Loge tient sa dernière réunion avant la tourmente allemande. Son Vénérable Maître, le Frère Thuel, après la promulgation de la loi du 13 août 1940 relative aux sociétés secrètes, est condamné, le 5 février 1941, à 1000 francs d'amende. Le procureur du gouvernement, Chazal, l’inculpe de déclarations mensongères et de reconstitution d'association dissoute.
Après avoir caché la quasi-totalité des décors, archives et biens de la Loge, en accord avec les Frères, il déposa une déclaration de vol et, devant le procureur, il doit avouer, par la suite, que sa déclaration était erronée, d'où sa condamnation.
Si les travaux ont dû être interrompus jusqu’ en 1945, la plupart des Frères ont eu un comportement digne de notre respect pendant la période de résistance au nazisme. Il faut cependant signaler la démission de quatre Frères, dont trois enseignants, dès le début des hostilités.
La réunion marquant la reprise des Travaux a eu lieu rue Edgar-Quinet, dans un local ayant appartenu au Frère N..., le 11 mars 1945.
Pendant la guerre, le Temple a été pillé et détérioré par la milice du gouvernement de Pétain. Il a fallu attendre le 18 novembre 1950 pour que l'Etat verse la somme de 122 612 francs à titre de dédommagement des détériorations causées à l'immeuble et au mobilier.