A Clermont-Ferrand les Loges «La Parfaite Harmonie», créée en 1817 et «Le Feu Sacré», installé en 1825, fusionnent en 1829, et créent un Chapitre portant le même nom que la Loge bleue : «La Parfaite Harmonie et Feu Sacré».
Après la fusion de 1829, la Loge a créé, au sein de ses locaux, le Cercle Maçonnique de Clermont-Ferrand, dont le règlement est daté du 2 novembre 1832. Cette Loge a laissé un certain nombre de documents intéressants.
- Le tableau des membres de la Loge «La parfaite Harmonie et Feu Sacré» établi pour l’année 1835 et celui du Chapitre portant le même nom et pour la même année sont conservés , ainsi qu'une photo de celui de 1829 (accompagné de sa certification).
L’action des Maçons clermontois pendant la Restauration est peu connue, à l’exception de celle du général Jean-Baptiste Charras qui déclencha le soulèvement du 1er août 1830.
Les grands faits historiques qui ont ébranlé Paris et l'Europe pendant la monarchie de juillet n'eurent que peu de répercussions dans la Loge, mise à part une activité sociale importante pour conjurer la misère des réfugiés.
Jusqu’en 1839, une certaine tension, politique n’en doutons pas, agite les Colonnes, mais le 30 janvier de cette année, le retour de quatorze Frères est fêté en grande pompe. Dans une liste de souscription à l’occasion de la Saint-Jean d’été de la Loge «La Parfaite Harmonie et Feu Sacré» du 8 juillet 1840, le Vénérable prévenait les Frères qu’en conformité avec les nouveaux statuts et règlements du GODF «il sera porté cinq santés d’obligation par tous les FF... sans exception, debout et à l’ordre selon les formes accoutumées. Aucun des membres présents au banquet ne pourra sous aucun prétexte s’abstenir d’y prendre part et le Vénérable tiendra sévèrement la main à la rigoureuse exécution des règlements».
Et c’est signé : «pour le Ven..., le 1er Surv... Lavandier». Suivent douze signatures de présents. Il y a vingt-et-un absents, un malade et une abstention motivée.
Rien d’étonnant si les Frères présents dans l’Atelier se soient divisés entre eux : les Imbert, les Robert, les Gérin, les Gaillard représentant la bourgeoisie, pris de panique, ne pouvaient concevoir qu’à leur tour ils puissent faire les frais de ce qu’ils considéraient comme l’aube d’une nouvelle révolution.
Et puis ce fut le silence. Après 1842, nous ne retrouvons plus de document relatif au «Cercle maçonnique» ni à la Loge qui avait été dissoute en 1844 au plus tard, comme l'indique la réponse du maire de Clermont à une enquête de 1852 (voir ci-dessous).
On ne connaît donc pas les réactions qu'ont pu provoquer sur les Frères, la révolution de 1848 ou le coup d’État du 2 décembre 1851, mais on doit citer ici quelques passages édifiants sur le climat de surveillance policière et de pression administrative qui reflète l'angoisse et la peur de la société après la Deuxième République sous le règne de Napoléon III.
C'est dans le tome second de l' Histoire vue de l'Auvergne, que nous allons puiser les documents qui nous intéressent. Ici, en tête de chapitre, page 318, les auteurs exposent le climat qui régnait sous le Second Empire: «Installé par le coup d’État du 2 décembre 1851 et officiellement proclamé le 2 décembre 1852, le Second Empire fut le type même du gouvernement autoritaire. Si le suffrage universel subsista, la surveillance policière et la pression administrative furent les bases même du régime et ne s'atténuèrent que vers 1867. Toute propagande politique, écrite ou orale, fut interdite, les sociétés secrètes, qui rappelaient trop les souvenirs des complots républicains d'avant 1848, furent pourchassées ; (une partie de la franc-maçonnerie fut d'ailleurs neutralisée, devenant un réseau de loges bonapartistes), les maires des communes, nommés par le gouvernement, durent être avant tout les agents fidèles de l'Empereur, les journaux réduits à une presse officielle, bien tenus en main par l'autorisation, le cautionnement et la menace de suspension ou de suppression par simple voie administrative, ne retrouvèrent quelque liberté qu'en 1868 après l'abolition de l'autorisation préalable. Dans le Puy-de-Dôme, ce régime ne rencontra jamais d'opposition sérieuse et les préfets, dans leurs rapports périodiques, rédigés selon les méthodes instaurées sous Napoléon 1er, ne signalèrent jamais de difficultés particulières».
Il est intéressant maintenant de connaître à la lumière de cet état d'esprit du Second Empire, l'enquête sur la Franc-maçonnerie à laquelle il est fait allusion plus haut. Cette «enquête du Préfet est faite à la demande du Ministère pour connaître le nombre de loges maçonniques, leurs dirigeants et leur position à l'égard du gouvernement». La méfiance de l'Empire s'expliquait par le fait que sous la Monarchie de Juillet, les Loges avaient été un foyer d'opposition libérale. C'est d'ailleurs cette prise de position qui sépara les Frères en1843-1844 comme le montre la réponse du maire de Clermont-Ferrand à cette enquête, le 1er septembre 1852 :
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de répondre à votre lettre confidentielle du 30 août au sujet de la Franc-Maçonnerie.
Il existait une loge maçonnique à Clermont, mais elle a été complètement dissoute en 1843 ou 1844. A cette époque, quelques membres firent des tentatives pour amener les Francs-Maçons à s'occuper de politique; le plus grand nombre résista, un dissentiment éclata parmi eux et la dissolution de la loge en fut la conséquence. Le mobilier qui la garnissait fut vendu publiquement. Aujourd'hui il n'en subsiste donc plus rien, excepté la correspondance et les insignes qui ont été conservés et qui se trouvent entre les mains les plus sûres . Il y a quelqu’intérêt à les y laisser et cet intérêt se comprend facilement .
Aucune tentative de reconstitution de l'ancienne loge n'a été faite; il y a donc lieu de penser qu'il n'en existe pas actuellement à Clermont. Je ne puis toutefois rien affirmer à cet égard et il me serait impossible d'acquérir aucune certitude parce que, si quelque loge a été reconstituée sans le concours des anciens membres, cela n'a pu avoir lieu que dans le plus grand secret et évidemment avec un but politique.
Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération la plus distinguée.
L. de Chazelles