D’après Georges ROUGERON in Etudes bourbonnaises
Dans le courant de l’année 1777, les Frères Joseph de Gévaudan, Pierre Borday et Jean-Joseph Goyard, et 16 autres Francs-maçons avaient composé une Loge à laquelle ils avaient donné le nom de « L’Espérance ». Les trois premiers avaient sollicité du Grand Orient de France des constitutions pour installer cette Loge à Moulins. La liste des membres fondateurs est la suivante :
Bodin de Montigny Antoine, docteur en médecine,
Boissier, dit Batisse Jean-Baptiste, peintre,
Borday Pierre, conseiller du Roi en l’élection,
Bourgeois Pierre, avocat en parlement,
Chopin Louis-Firmin, ancien officier du génie militaire,
De Courson Charles-François, écuyer, contrôleur des étapes et convois militaires,
Collet Philippe-Pierre, contrôleur ambulant du domaine du Roi à Guéret,
Derozier Pierre-Antoine, pâtissier-traiteur,
Desbouis de Salbrune, lieutenant particulier au présidial,
Fabre Bertrand, maître en fait d’armes,
de Gévaudann Joseph, capitaine au régiment d’Orléans-dragons,
Goyard Jean-Joseph, avocat au parlement,
Loir Jean-Jérôme, contrôleur ambulant du domaine,
Parchot de Villemouze, conseiller au présidial, procureur du Roi en la maréchaussée,
Perrot Nicolas, contrôleur ambulant du domaine,
Roger Henry, docteur en médecine, médecin du Roi à Pierrefitte,
De Ségange Claude-Cornudet, employé au bureau des vingtièmes,
Tiersonnier Eloy, receveur des impositions royales,
Viot Pacôme-louis- Adélaïde, directeur du domaine du Roi.
Il s’ajoutait à cette liste trois domestiques : Léger Mangeat, François Roux et Gabriel Sauge,en qualité de Frères servants et qui ne pouvaient dépasser le grade de compagnon.
La décision favorable du Grand Orient de France intervient le 11 janvier 1778, mais cet important accomplissement n’était point allé sans quelques soucis, car si la requête avait été remise à la Loge « Saint-Amable » de Riom, c’est la Loge « La colombe » de Nevers qui est chargée de présider le 2 juillet 1778 à la remise des Constitutions et à l’installation solennelle de la Loge.
Le premier Vénérable est Charles-François de Courson, ancien officier au régiment de Dauphin-dragons, chevalier de l’Ordre royal, militaire et hospitalier du Saint-Sépulcre de Jérusalem et de celui de Saint Sébastien. La rotation dans les offices internes était assez soutenue car il aurait six successeurs à la direction de l’Atelier : Desbouis de Salbrune, Parchot de Villemouze, Viot, Borday, puis Jean-Joseph Deléage, lieutenant en la maîtrise des eaux et forêts, et Joseph Piron, procureur au présidial, ces deux derniers entrés en Loge après les fondateurs.
A la suite d’initiations et d’affiliations, la Loge comprend : 12 fonctionnaires royaux ou seigneuriaux, deux titulaires de charges ou offices, cinq militaires, deux avocats, deux médecins, deux religieux minimes, un artisan, un artiste, un bourgeois, deux divers non identifiés et six servants. Signalons que les Frères Louis-Clément de Conny, seigneur de Thoury, Deléage, de Gévaudan, Antoine Merle, procureur du Roi en l’élection, Claude Pinturel, procureur et échevin, Joseph Piron et Eloy Tiersonnier s’inscrivent, en 1788, à la société de Moulins, lieu extérieur de rencontres entre gens de bonne compagnie, tous ordres confondus, qui disparut à la révolution.
La Loge « L’Espérance » a procédé à l’installation de trois Loges voisines: en 1783, la Loge « Saint-Jean de la Discrétion » à Cusset et la Loge « Saint-Pierre-ès-Liens » à Saint-Pierre-le Moutier ; en 1787, la Loge « Les Coeurs Unis » à Saint-Pourçain sur Sioule.
Il n’apparaît pas qu’elle ait eu quelque influence sur le cours des événements ayant précédé ou accompagné les débuts de la Révolution : ses membres ne semblent pas s’être manifestés activement dans la rédaction et le dépouillement des cahiers de doléances préparatoires aux États Généraux, dans les assemblées des trois ordres et dans les opérations électorales. Un seul membre de la Loge, le Frère Jean-Joseph Goyard, a été élu pour le tiers-état. Deux autres Francs-maçons de la députation bourbonnaise, appartenant ou ayant appartenu à des Loges parisiennes, ont été élus pour la noblesse : le marquis de Stutt de Tracy et le Comte de Chabannes, ce dernier sur un poste de suppléant.
Deux anciens Vénérables ont exercé des fonctions importantes : Le Frère Debouis de Salbrune a été élu, en 1790, juge au tribunal de district ; membre de la Société des Amis de la Constitution, en 1791, il eut quelques démêlés en raison de sa faible assiduité ; destitué par le représentant Forestier, il devait revenir au tribunal, cette fois comme président, nommé par le représentant Vernerey. Quant à Joseph Piron , il siégea au Conseil général de la Commune de Moulins, au titre de notable, fut greffier au tribunal de police correctionnelle, puis juge au district, au tribunal civil de l’Allier.
Le nom de cinq Frères apparaît dans la composition des corps administratifs et des sociétés populaires : Deléage, Desbouis, Estopy des Vignet, Ripoud et Goyard. Seul ce dernier a tenu une place marquante : procureur général syndic du département en 1791, il sauva de la destruction le tombeau du duc de Montmorency et fut destitué par Fouché en septembre 1793 ; il est devenu plus tard représentant au conseil des Anciens de l’an IV à l’an VI.
Le 27 juillet 1792, le Frère Deformé annonçait au Grand Orient de France la suspension des travaux du fait « que la différence des opinions jointes aux difficultés insurmontables que toute association éprouve de la part des Jacobins, ont divisé tous les membres et il serait même dangereux de chercher les moyens de les rallier ». Tout était tellement dangereux que le Frère Guillaume Ripoud, banquier, qui avait été adhérent de la Société des Amis de la Constitution, y laissa sa tête, pour d’autres raisons, en pluviôse an II à Lyon.
La Loge « L’Espérance » semble avoir logé au couvent des Augustins sis entre les actuelles rues Michel-de-l’Hospital et de Potiers. Ce local avait dû être réaffecté lorsque l’Ordre était tombé en discrédit vers les années 1765-1770.