D’après Georges ROUGERON in Etudes bourbonnaises
Dans le courant 1807, la Loge « L’Espérance » sollicitait du Grand Orient de France l’autorisation de reprendre ses travaux et la réintégration au tableau des Loges régulières. Depuis le Consulat la Franc-maçonnerie était devenue une institution que l’on qualifierait actuellement d’« alignée ».
La Loge « L’Espérance » compta, à l’apogée de l’Empire, entre 70 et 80 membres, parmi lesquels aucun ne s’était fait remarqué durant la période révolutionnaire. Les Frères les plus nombreux provenaient de l’administration et de la magistrature, avec en tête, le sous-préfet de l’arrondissement chef-lieu, Barbat du Clozel, le receveur général du département, Jaladon, le directeur départemental de l’enregistrement et des domaines, Collas, l’ingénieur du cadastre, Radot, le directeur départemental de la poste aux lettres, Lesfilles, le conservateur des eaux et forêts, Niepce, le capitaine de la gendarmerie impériale, Gozard qui mourut du typhus contracté auprès des prisonniers espagnols lors de la grande épidémie de 1812.
L’effectif de la Loge comprenait en outre neufs officiers, quatre avoués, quatre artistes, trois négociants, dont le président du tribunal de commerce, deux fabricants, deux banquiers, deux professeurs, deux anciens prêtres abdicataires sous la Révolution (Jaladon et Laurent), un notaire, un officier de santé, les autres étant qualifiés de « propriétaire ». Trois seulement étaient teinté d’aristocratie : Conny de Thoury, Jacques-Etienne-Martial des Echerolles, fils du maréchal de camp qui avait commandé dans l’insurrection lyonnaise contre la Convention, et Jean de Labrousse de Veyrazet, fait baron d’Empire en 1812, dont le père avait été de la « charrette » des 32 exécutés à Lyon sous la terreur.
Six Frères avaient été membres de la Loge au dix-huitième siècle : Rodin, Conny, Deléage, Estopy des Vignets, Grandmont et Piron. Des descendants de Frères ayant appartenu à cette dernière avaient été intégrés à la nouvelle Loge : un Debouis, un Desroziers, un Déformet, un Parchot, un Piron.
La Franc-maçonnerie était peu représenté dans le personnel politique de l’époque. Le Frère Massieu, manufacturier, siégeait au conseil d’arrondissement de Moulins ; et un adjoint au maire de Moulins était Franc-maçon. Ceci n’empêcha pas la Loge « L’Espérance » d’envoyer à l’Empereur , en 1810, à l’occasion de son mariage avec Marie-Louise l’adresse suivante : « C’est lui qui a ouvert nos Temples, c’est lui qui fit rentrer la concorde et l’amitié longtemps exilées ». Tous les Frères debout, glaives en main, écoutèrent avec une solennelle déférence, puis l’Atelier applaudit par une triple « batterie ». L’année suivante on célébrait la naissance du Roi de Rome par de fastueuses manifestations : banquet abondant au cours duquel un Frère déclama un long poème dithyrambique, salves et feu d’artifices, libéralités aux pauvres du chef-lieu.
Le règlement de la Loge daté du 10 septembre1808 porte la signature du Vénérable Antoine Gudin, inspecteur des droits réunis. En 1809 son successeur est Deléage, inspecteur des Eaux et forêts, qui avait déjà assumé cette charge avant la Révolution. A son décès en 1811, l’office de Vénérable est assuré par Germain Ossavy, avoué.
La Loge « L’Espérance » ne peut se relever après 1815. Appartenir à la Franc-maçonnerie n’était pas un titre de recommandation sous la Restauration. Lorsqu’en 1825 mourut le Frère Jaladon, ancien receveur général du département qui, jadis, prieur-curé de Cintrat, n’avait point fait acte de repentance, Mgr Pons, évêque de Moulins, refusa les obsèques fixée par le curé de Notre-dame à sept heures du matin pour obliger une inhumation quasi clandestine, à sept du soir, en pleine nuit dans le petit cimetière de l’hôpital.
Au cours des journées de 1830,l’ancien Vénérable, Germain Ossavy, fut de ceux qui proclamaient la déchéance de la branche aînée des Bourbons.
La Loge « L’Espérance », avant la Révolution semble avoir logé au couvent des Augustins sis entre les actuelles rues Michel-de-l’Hospital et de Potiers. En l’an IX un rapport du Conservateur, Claude-Henri Dufour, mentionne la présence dans ces locaux de logements particuliers et de la Loge maçonnique. Pendant sa période de suspension il semblerait donc que la Loge ait pu conserver ses locaux.