Le 16 novembre 1892, le Frère Frédéric Terrasse, né le 11 juin 1846 à Viverols, membre de la Loge « L’Industrie » de Saint-Etienne, convoque, pour le 23 novembre, tous les francs-maçons de la Haute-Loire en vue de la création d’une Loge maçonnique au Puy. Sur les 42 invités, 28 Frères sont présents et 21 votent pour la création immédiate de la Loge.
Après examen par une commission réunie le 4 janvier 1893 et dont le Frère Constantin est le rapporteur, le dossier de création fait l’objet d’une deuxième réunion le 2 mars 1893 à laquelle participent 30 maçons issus de 12 Loges, dont 11 de la Loge « L’Industrie », sept de la Loge « Les travailleurs Unis » de Saint-Etienne, deux de la Loge « Les Enfants de Gergovie » de Clermont-Ferrand et deux de la Loge «Bienfaisance et Amitié » de Lyon, dont le Frère Berbigier qui préside la réunion. Suite à la proposition de voter à mainlevée pour la création, le vote est acquis par acclamation à l’unanimité, de même que l’adoption du rite français qui symbolise mieux que les autres l’esprit moderne.
Depuis la disparition de la Loge « La Parfaite Union » à la fin du Premier Empire, le Frère Constantin indique que les temps et les mœurs ont considérablement changé et propose de ne pas retenir le nom de l’ancienne Loge mais plutôt de donner à la nouvelle Loge le titre « Le Réveil Anicien », faisant référence au nom de la ville du temps des Romains: Anicium. Cette proposition adoptée, le Frère Berbigier, le 6 mars 1893, demande au Grand Orient de France les documents nécessaires à la création. Le 18 mars est élu le collège des officiers suivant :
Vénérable : Berbigier
Premier Surveillant : Huriot
Second Surveillant : Gimbert
Orateur : Constantin
Secrétaire : Terrasse
Grand Expert : Botto
Maître des cérémonies : Marchessou
Trésorier : Farigoule
Hospitalier : Laurent-Moniet
Architecte : Mathieu
Maître des banquets : Coudeyrette
Couvreur : Jouve
Le 1er juin 1893 le Grand Orient de France accorde la Constitution symbolique et désigne, en qualité de commissaire installateur, le Frère Dequaire, membre du Conseil de l’Ordre. Le 24 juin le directeur de la Sureté générale informe le Grand Orient de France qu’il ne voit pas d’inconvénient à ce que la Loge « Le Réveil Anicien » se livre à ses travaux et le 5 juillet la Loge est officiellement installée par le Frère Dequaire, avec un effectif de 40 membres. Le Temple est situé au numéro 32 de la rue du faubourg du Breuil, Cité Vidal.
Au cours des premiers mois et des premières années de son existence, la Loge fait l’objet de violentes attaques dans la presse d’opposition. Dès le début 1894 on peut lire sous la plume d’un certain Démos, pseudonyme de l’abbé d’Arsac, dans « l’Echo du Velay », un article intitulé « La secte, son œuvre dans la Haute-Loire ». L’auteur affirme l’influence de la « secte » qui compte des membres presque partout dans le département et prédit la désunion prochaine de la Loge qui a ouvert ses portes à une foule de jeunes ambitieux, responsables , à ses yeux, de la récente scission au sein du conseil municipal ponot, qui comporte deux partis opposés dont les chefs sont des maçons avérés. Les catholiques sont invités à ne pas se décourager car le triomphe de la « secte » ne peut être éternel : « Le peuple reconnaîtra bientôt que ses intérêts réels sont mal placés entre les mains de la maçonnerie »
Dans un article modèle de la presse antimaçonnique, développant l’image de la conspiration, Démos récidive dans le même journal le 1er juin 1894 : « … Le nom qu’elle a pris (la Loge) est un mensonge, comme tout ce qu’elle fait.Les Franc-maçons, en effet, n’ont jamais établi leur pouvoir que par le mensonge et ils ne peuvent le maintenir que par le mensonge. …..Il faut espérer que cette affluence vers le temple sera la perte même de la secte, car les recrues qu’elle enrôle en ce moment, se composent surtout de renégats, d’âmes avilies qui prêtent les serments redoutables avec la même légèreté qu’ils ont reniés leur baptême... »
Les membres de la Loge sont personnellement attaqués dans la presse. Le 19 mai 1894 un article du « Radical de Brioude » relate l’initiation du Frère Antoine Bertrand, journaliste à « L’Abeille Brivadoise » et avoué à Brioude et dévoile le nom de son parrain, Mallat, ainsi que ceux de Marsset, Touzet, avocat à Brioude et Vidal domicilié à Paulhaguet. Ce dernier fait, en plus, les frais d’un article injurieux le 26 mai 1894. Les Frères découvrent qu’un membre de la Loge communiquait les planches de l’atelier à Devin, journaliste et propriétaire du « Radical de Brioude », mais aussi membre de la Loge « Justice » de Paris. Par l’intermédiaire de son Vénérable Berbigier la Loge saisit le Président du Conseil de l’Ordre le 31 mai 1894 et demande que le Frère Devin soit traduit devant le conseil judiciaire de sa Loge. Le frère Cheylard, de Lavoute-Chilhac, à l’origine de cette indiscrétion, sera traduit devant le jury fraternel.