L’histoire des débuts de la Loge est marquée par les rapports ambigus entretenus avec le Frère Charles Dupuy, professeur de philosophie au lycée de Saint-Etienne et initié à la Loge « L’Industrie » le 10 mars 1880. Elu sous l’étiquette de républicain en 1885 à l’Assemblée nationale, il devient ministre de l’Instruction publique en 1892, puis Président du Conseil en 1893 , Président de la Chambre des députés la même année, à nouveau Président du Conseil en 1894 et 1899. Elu sénateur de la Haute-Loire en 1900, il le restera jusqu’à sa mort le 23 juillet 1923.
Au début de sa carrière politique, favorisée par son appartenance à la franc-maçonnerie, il est considéré comme un des membres les plus actifs de cette dernière et un partisan acharné de l’anticléricalisme. Bien que ne figurant pas parmi les membres fondateurs de la Loge « Le Réveil Anicien », il en fut néanmoins membre jusqu’en 1898. Dans ses premières années elle ne pouvait que s’honorer de le compter sur ses colonnes, bien que dès 1895 le Vénérable Zevaco n’espérait plus que ce Frère prenne une part quelconque aux travaux de la Loge, mais disait pouvoir compter sur lui et son dévouement absolu à la cause de la Loge, car il savait qu’il était et restait de coeur et d’âme avec ses Frères.
Suite à la circulaire n°15 du 10 décembre 1894 du Grand Orient de France qui souhaitait constituer au sein de l’obédience un groupe parlementaire composé de députés et sénateurs Franc-maçons, la Loge « Le Réveil Anicien » avait décidé d’inciter ses trois membres députés, Blanc, Chantelauze et Dupuy et le sénateur Vissaguet à répondre à l’invitation du Grand Orient de France. Elle n’enregistra que la réponse de Chantelauze et espérait que les trois Frères concernés allaient se laisser convaincre. Le 4 juin 1896 le Vénérable, dans un rapport sur la situation de la Loge, déplore le silence des trois Frères parlementaires et dès lors les relations se dégradent. Le Conseiller de l’Ordre Dequaire-Grobel, dans un rapport d’inspection de la Loge, rend implicitement responsable le Frère Dupuy de l’état de dégradation des relations au sein de la Loge. Lors de la fête solsticiale du 6 juin 1897, un Conseiller de l’Ordre fait état d’une certaine désapprobation à l’égard du Frère Dupuy.
Dans une lettre du 20 mai 1902 le Vénérable parle de « nos malheureuses élections qui sont dues à l’influence de monsieur Charles Dupuy….dont tous les efforts ont porté en faveur des candidats anti-ministériels ou nationalistes. C’est grâce à lui que le député assomptionniste Louis Vigouroux est sorti dans la 1ère circonscription du Puy, malgré une lutte acharnée de la part des francs-maçons et de tous les sincères républicains ». En fait la rupture avait eu lieu quelques années auparavant car le 6 avril 1898 le Vénérable Botto mentionnait les démissions de Charles Dupuy et Vissaguet.
Pour expliquer les tiraillements et la désunion au sein de la Loge il faut rappeler que lors des élections municipales de 1894 deux listes sont en présence : l’une conduite par Mathieu, maire du Puy, soutenu par Dupuy, l’autre par Gimbert. Les deux têtes de liste, membres de la Loge « Le Réveil Anicien », vont être une des cause de la discorde. Au mois d’août 1895 le tribunal du Puy est le théatre des procés de presse opposant le journal « Le Républicain de la Haute-Loire » dirigé par le Frère Laurent-Moniet et dans lequel écrivait régulièrement le Frère Gimbert, et le journal « La Haute-Loire » dont le Frère Mathieu est administrateur et dont le plus gros actionnaire est Charles Dupuy. Ce journal avait pris, pour défendre ses intérêts, maître Roussel avocat à Paris et Henri Blanc député et membre de la Loge. Ces procés se déroulent devant la Chambre dont le président est Zévaco, Vénérable de la Loge, qui, après les plaidoiries, tente une conciliation des parties. Alors qu’il était presque sur le point d’aboutir, le Frère Blanc, intervenant dans les débats, s’opposa vivement à la conciliation, au grand étonnement de tous, disant que le tribunal avait à juger et non à concilier.
Le tribunal, dans un souci d’apaisement et dans l’esprit de faire cesser toute polémique injurieuse et diffamatoire ayant cours dans les deux journaux, les condamna l’un et l’autre à la même peine. Loin d’apaiser les esprits, la polémique reprit de plus belle et dans un article du 21 août le Vénérable Zévaco, Président du Tribunal, et sans que son nom ne soit cité, est violemment pris à partie, l’auteur mettant en doute son impartialité.
Au cours de la tenue qui suivit et à laquelle le frère Blanc s’empressa d’assister et le Frère Zévaco s’abstint de paraître, la discussion sur le contenu de l’article de presse fut très vive et orageuse, compte tenue de l’attitude du Frère Blanc qui appuyait toutes les diatribes contre le Vénérable. Le Frère Blanc fut obligé de quitter l’atelier et le lendemain, le 23 août 1895, il envoyait sa lettre de démission. Après l’acceptation de cette démission, l’ex-Frère Blanc se liera avec les Francs-maçons partisans de Dupuy et contribuera, de l’extérieur, à la mauvaise ambiance de la Loge.
Le Frère Zévaco sera l’objet de nombreuses attaques, notamment de la part du journal stéphanois « L’Eclaireur » qui publiera plusieurs articles intitulés « Causerie ponote ». Il propose de donner sa démission du poste de Vénérable, mais les frères Mathieu, maire du Puy, et Alrol, son premier adjoint, refusent le premier maillet qui leur est proposé. Il quitte sa charge à la fin de l’année maçonnique et est remplacé par le frère Botto, estimé par tous ses Frères, qui semble par son intervention, avoir rétabli la concorde.
Après cette période d’épreuves, la Loge « Le Réveil Anicien » s’est trouvée en butte aux agissements du préfet Leblond qui ne semblait pas réagir à plusieurs interpellations par voie de presse, en juillet 1899, au sujet de l’affichage de l’arrêté de la Cour de Cassation annulant le jugement de 1894 et prononçant le renvoi de Deyfus devant le Conseil de Guerre. Ces articles de presse signalaient le cas de Monsieur Garnier, maire de la commune de Loudes, arrondissement du Puy, qui refusait de faire cet affichage, alors que, selon le préfet, tous les maires avaient accusé réception de l’affiche.
Les maçons du Puy suspectent ce préfet de soutenir les candidats opposés au gouvernement républicain. Leur démarches auprès de Léon Bourgeois et du Grand Orient de France en vue d’obtenir sa mutation ne seront pas suivies d’effet immédiat, puisque le préfet, protégé dit-on par Charles Dupuy, restera encore en poste jusqu’au 16 juillet 1901.
Lors des élections législatives de 1902, les Frères engagés dans le camp républicain signalent au Conseil de l’Ordre du Grand Orient de France le prêche de l’évêque du Puy dans la chapelle du lycée de la ville, le dimanche avant le premier tour, et les menées réactionnaires de Monsieur Valette, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Loire qui les entrave à chaque instant. Ces élections sont perdues pour les deux candidats maçons, Léon Mathieu au Puy et Vidal à Brioude, en raison de l’influence néfaste de Charles Dupuy.