Depuis sa création, la Loge « Le Réveil Anicien » travaillait dans son Temple situé au numéro 32 de la rue du faubourg du Breuil, Cité Vidal. En 1898 elle est confrontée à une situation financière critique que le Vénérable Botto évoque au cours de la tenue du 16 novembre. La question est à nouveau évoquée le 7 décembre au cours de laquelle est décidé de dénoncer le bail du local. Mais cette mesure apparaissant insuffisante la mise en sommeil de la Loge est envisagée. Le 21 décembre le trésorier fait état, pour l’année 1898, d’une recette potentielle de 1.705francs pour couvrir des dépenses qui sont déjà de 2.053francs. Pour l’année 1899, suite aux radiations et démissions, le nombre de Frères est passé de 60 à 40 ; cet effectif laisse espérer une recette de 1.200francs pour une dépense estimée à 2.000francs. Etant donnée la situation financière et morale de la Loge, l’Orateur ne peut qu’appuyer la demande de sa mise en sommeil qui est votée à l’unanimité. Cette décision est communiquée au Grand Orient de France par lettre du 5 janvier 1899.
Le Conseil de l’Ordre délègue le Frère Dequaire pour aller au Puy et examiner la situation de la Loge. Un nouveau local est envisagé et après des échanges entre la Loge et le Grand Orient de France, une subvention de 300francs est accordée courant juin 1899. Un secours supplémentaire de 200francs est accordé en décembre. Le budget pour 1900 étant équilibré, la Loge a évité la mise en sommeil et elle se réunira dorénavant dans un local situé au numéro 4 rue Cardinal jusqu’à l’armistice de 1918.
Mais les difficultés financières ne seront jamais complètement surmontée jusque dans les années vingt, cette question étant souvent évoquée dans les échanges de courriers entre la Loge et le Grand Orient de France. Ce dernier a dû encore accorder une subvention de 300francs le 28 mai 1914 et le 12 juin 1919, le Frère Bravard, alors Secrétaire de la Loge, informait l’obédience qu’il était matériellement impossible à l’Atelier de se mettre complètement à jour avec la caisse fédérale avant le Convent de 1919.
Quittant son local du 4 rue Pierre Cardinal, la Loge a tenu ses travaux, à partir de 1918 à l’étude du Vénérable Léonce Charreyre, boulevard Saint-Louis, jusqu’à la mort de celui-ci en 1932. Né le 9 juin 1869 au Puy, ce dernier avait été initié le 26 juillet 1902. Vénérable en 1913 et 1914, puis après l’interruption de la guerre, il avait occupé cette fonction de 1920 jusqu’à sa mort en 1932. Après des études de droit, il est, en 1895, collaborateur de M° Piquet auquel il succède en 1900. En 1911 il devient syndic de la Chambre des avoués, puis rapporteur en 1922 et président en 1923, 1924 et 1930. Mort dans un accident de voiture le 20 juin 1932 il laisse l’image d’un professionnel à l’exactitude la plus rigoureuse, la droiture dans la conduite et le règlement des affaires, ainsi qu’une loyauté parfaite.
S’engageant au-delà de la mort pour la franc-maçonnerie et ses Frères de la Loge « Le Réveil Anicien », il couche ces derniers sur son testament, en faisant un don posthume de 55.000francs à l’atelier, leur permettant ainsi de trouver une solution à l’épineux problème du local. Au cours de la tenue solennelle du 15 décembre 1936 la Loge lui confère le titre de Vénérable d’honneur ad vitam etaernam et décide de placer sous son vocable le salon d’honneur de la Loge.
Le legs ci-dessus, ainsi qu’un don et un prêt du Grand Orient de France permettent à la Loge d’acquérir, le 1er juin 1933, une propriété sur la commune d’ Aiguilhe situé au-dessous du rocher Corneille. Le 8 juillet 1933, les Frères Valérien, Jousserand et Jean-Marie Debayle déposent les statuts de la société anonyme immobilière « Le Roc » qui sont publiés dans le journal local « Le Rappel de la Haute-Loire » le 26 août 1933.
Spoliation en 1940
Si la Loge « Le Réveil Anicien » avait pu être quelques temps à l’abri des difficultés financières et se réunir dans un local lui appartenant, dès le 17 septembre 1940 le président de la société anonyme immobilière « Le Roc » reçoit une décision de Mr Teyssier, président du tribunal civil du Puy, qui ordonne la mise sous séquestre et la liquidation des biens mobiliers et immobiliers de la société « Le Roc ».Le Frère Jousserand accepte qu'il soit procédé à i'inventaire mais émet des réserves, indiquant que la société n’a aucun lien avec la Loge maçonnique à laquelle elle avait seulement consenti l’usage d’une faible part de ses immeubles et qu’il comptait louer les locaux rendus disponibles afin que la société « Le Roc » puisse créer des ressources pour faire face à ses charges. Ses réserves n’étant pas prises en compte , l’inventaire est dressé le 28 octobre 1940. La valeur vénale des immeubles est estimée entre 175.000 et 200.000francs et les meubles meublants à 5.000francs.
Le 5 novembre le préfet de la Haute-Loire écrit à Camp, commissaire de police, de bien vouloir s’assurer que les scellés ont été apposés ; la conservation des documents et archives devra être assurée et les emblèmes maçonniques qui pourraient figurer à l’extérieur de la loge seront immédiatement effacés ou enlevés. La réponse du commissaire du 7 novembre indique que les inventaires contradictoires des 5 et 28 octobre n’avaient révélé aucune découverte intéressante et qu’aucun emblème extérieur ne subsistait. Le 12 novembre le Frère Jousserand est informé que les locaux vont être vendus aux enchères. Le 14 janvier Mr Girardot, receveur des domaines procède à la prise en charge des biens , meubles et immeubles de la société « Le Roc » .
Par réquisition du préfet du 14 janvier 1942 la villa est occupée par le groupement interprofessionnel des produits laitiers de la Haute-Loire. Par décret du 17 mars 1943 la villa « le Roc » et ses dépendances sont attribuées au département de la Haute-Loire.
Restitution
Le 12 octobre 1945 le Frère Jacquet,Vénérable de la Loge, adresse un courrier au directeur de l’Enregistrement et des Domaines afin de connaître les formalités de restitution des locaux, des objets et des fonds mis sous séquestre. Il saisit Maître Pivot de son intention de présenter une requête en référé devant le tribunal civil du Puy en vue de faire annuler tous les actes judiciaires et administratifs concernant la Loge et la société « Le Roc » pris en application de la loi relative aux sociétés secrètes prise par l’État Français. Malgré la volonté exprimée par le préfet Edgar Pisani, le 8 novembre 1946, de soumettre la question à la commission départementale et de lui demander l’autorisation de traiter à l’amiable la restitution des biens, le Frère Jacquet maintient son intention de saisir le tribunal civil.
Le 28 novembre 1946 Mr de Lagrevol, président du tribunal et juge des référés prend une ordonnance fixant la restitution, tant à la Loge qu’à la société immobilière, des biens meubles et immeubles, des sommes encaissées, des frais de régie et honoraires d’expert et de tous les objets acquis ou détournés par les administrations et les particuliers éventuels, tout ceci sous réserve des indemnisations, dommages et intérêts justifiés après restitution. Mr Roux architecte départemental désigné pour établir un rapport estimatif, fait une première estimation le 22 novembre 1947, avec un complément le 1er juin 1948, puis une note complémentaire le 18 mai 1949. Maître Pivot conseille au Frère Jacquet de saisir à nouveau le juge des référés. Ce dernier condamne le préfet de la Haute-Loire à payer au demandeur la somme de 164.901francs avec les intérêts de droits. Enfin le 17 avril 1950 une lettre du préfet annonce un virement de 191.502francs, ainsi qu’un mandatement de 35.000francs pour l’indemnité d’occupation des locaux. Le 24 avril le Frère Jacquet accuse réception au percepteur d’Aiguilhe de la somme de 10.500francs qui lui revenait conformément à l’ordonnance du président du tribunal.