Des tendances philosophiques compromettantes
Si les Préfets de la période rétrograde de la Deuxième République, de Maupas, de Chamailles, n'avaient point fait fi du concours de la Loge « Paix et Union », leur successeur, le comte Guyot, prend aisément son parti de l'effacement de la Loge, écrivant à son Ministre: « En 1848, le Vénérable était M. Donjan et (la Loge) qui était composée d'éléments médiocres, mais que la peur engagea du côté de la réaction, ce qui fit qu'elle fut choisie comme centre de l'union par tous les gens d'ordre. Toute la meilleure société de Moulins se fit recevoir dans cette Loge, dont l'esprit devint dès lors excellent. Le sentiment de crainte passé, tous les gens d'ordre qui avaient choisi cette Loge comme point de lutte contre le désordre, cessèrent de la fréquenter.
La Loge redevint dès lors ce qu'elle était auparavant, composée de gens qui ne sont pas des hommes de désordre, mais qui n'ont ni grande valeur personnelle, ni influence et qui se recrutent principalement dans la classe de la société où l'esprit d'opposition mesquine et l'envie de tout ce qui est au-dessus dominent.
M. Donjan est le type du personnel de la Loge, une pauvre intelligence et une nullité absolue et très vaniteux. il suffit, pour avoir son appui, de l'appeler « mon commandant» et l'importance exagérée qu'il attache à ses fonctions de Vénérable sont plus que suffisantes pour expliquer son attitude ».
Ce n'était pas aimable du tout! Et ceci tenait à ce que, dans un procès intenté à des membres de la Loge « L'Humanité » pour reconstitution d'une société secrète, le Vénérable de « Paix et Union », dans un réflexe de solidarité maçonnique, avait ostensiblement soutenu les prévenus, auxquels s'étaient également montré plutôt bienveillant un autre maçon, le Juge d'Instruction Papon-Lameignée.
De surcroît, « Paix et Union » connaissait aussi des troubles de conscience, non point d'ordre politique, mais philosophique. Dans le même temps où elle s'engageait dans la réaction profane elle se laissait aller à des compromissions spirituelles quelque peu surprenantes. Ainsi, avait-elle accueilli favorablement, en mai 1849, une demande non moins surprenante de l'abbé Gomot, Curé de la Paroisse Saint-Pierre, et payé le plus beau reposoir pour la procession de la Fête-Dieu! Les anti-cléricaux s'en étaient trouvés assez éberlués et les ultra-cléricaux scandalisés lorsqu'ils surent la provenance d’une si remarquable libéralité. Il n'y eut plus de reposoir maçonnique aux Fêtes-Dieu suivantes.
La « main tendue » par le nouvel évêque de Moulins en mai 1850 allait être un événement embarrassant. Le plus jeune prélat en France, Mgr de Dreux-Brézé, apportait les premières notions de catholicisme social, disant une messe pour les ouvriers en sa cathédrale et décidant d’organiser des conférences philanthropiques en leur faveurs. La condamnation de la Franc-maçonnerie, renouvelée par le Pape Pie IX, dont il avait été le condisciple au séminaire de Rome, ne lui était point apparu un obstacle à l’invitation très officielle qu’il envoie, le 24 mai 1850, à la Loge « Paix et Union ». Les plus perturbés sont les Frères destinataires qui se donnent trois semaines de réflexion pour, finalement, décliner.
Mais, quatre ans plus tard, on récidivait sous une autre forme. L’abbé Martinet, curé de la paroisse Saint-Nicolas, avait grand besoin d’une église neuve, la sienne étant devenue, avec le temps, inhabitable. Afin d’aider à réunir les fonds nécessaires, il a l’idée d’organiser une tombola. Cette forme de financement nécessitant des lots et une publicité, il s’en ouvre au Vénérable qui ne voit aucun inconvénient d’accorder, en mai 1854, la salle du cercle maçonnique pour y organiser une exposition… Par arrêté du 13 janvier 1855, le préfet, retirant l’autorisation de la tombola, met fin à cette curiosité.
La Loge « Paix et Union » s’achemine vers son extinction par érosion. Bien qu’elle s’est donné pour député auprès du Grand Orient de France, le baron de Veauce, ses retards de contributions s’étant accumulés, elle se trouve, le 7 mai 1855, frappée de suspension par le conseil du Grand Maître. Donjan-Bernachezt protestant avec véhémence se voit rappeler à la modération et l’on entendit plus parler de « Paix et Union ».
Son premier local aurait été aux Augustins ou aux Minimes. En 1839, le Frère Jean-Baptiste Collas, avocat, offrit son concours financier sous forme d’avance pour l’acquisition d’un emplacement et la construction d’un Temple boulevard des Quatre-Ponts, dont le Frère Dutramblay, architecte, assuma la réalisation qui fut terminée en 1841. On retrouve la localisation du Temple, pour des raisons inconnues, salle Mérié, boulevard de Pont.